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travail, et qu’on avait cru si facile, lui était interdit. Ne voyant pas d’issue à ce labyrinthe, il avait pris le parti de rester dans l’expectative, et, en même temps qu’il provoquerait de son mieux la reprise des affaires, de nourrir les ouvriers sans travail, ce dont personne assurément ne pouvait lui faire un crime.

Mais, ici encore, le gouvernement se berçait de la plus fatale illusion.

Le parti doctrinaire, rallié au parti absolutiste, parlait haut depuis la débâcle du 15 mai. C’était lui qui régentait le gouvernement et l’Assemblée, et qui, de la tribune et par ses journaux, donnait le mot d’ordre à la France, républicaine si vous voulez, mais surtout conservatrice. Pendant que les démocrates, à force de serrer le pouvoir, étaient en train de le précipiter, les doctrinaires, poussés par les jésuites, s’apprêtaient à le ressaisir. L’occasion se montrant favorable, ils ne pouvaient la laisser échapper.

Les adversaires du gouvernement prétendirent donc que le rétablissement de l’ordre, et par suite le retour de la confiance, était incompatible avec l’existence des ateliers nationaux ; que si l’on voulait sérieusement faire renaître le travail, il fallait commencer par dissoudre ces ateliers. En sorte que le gouvernement se trouvait enlacé d’un double cercle, acculé en face d’impossibilités géminées, soit qu’il voulût procurer du travail aux ouvriers, ou seulement leur donner crédit, soit qu’il désirât les renvoyer chez eux, ou se décidât pour un temps à les nourrir.

La réaction se montrait d’autant plus intraitable, qu’elle pensait, non sans raison, que les ateliers nationaux, comptant alors plus de 100,000 hommes, étaient le boulevard du Socialisme ; que cette armée une fois dispersée, on aurait bon marché et de la démocratie, et de la commission exécutive ; peut-être pensaient-ils qu’on pourrait, avant de discuter la Constitution, en finir avec la République. La