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s’étaient écoulés, et le travail n’était pas venu. La manifestation du 15 mai ayant apporté quelque désordre dans les relations, la traite tirée par le peuple sur le gouvernement avait été renouvelée ; mais l’échéance approchait, sans que rien donnât lieu de croire que la traite serait payée.

— Faites-nous travailler vous-mêmes, avaient dit les ouvriers au gouvernement, si les entrepreneurs ne peuvent reprendre leur fabrication.

À cette proposition des ouvriers, le gouvernement opposait une triple fin de non-recevoir.

— Je n’ai point d’argent, disait-il, et par conséquent je ne puis vous assurer des salaires.

Je n’ai que faire pour moi-même de vos produits, et je ne saurais à qui les vendre.

Et quand bien même je les pourrais vendre, cela ne m’avancerait absolument de rien, parce que, par ma concurrence, l’industrie libre se trouvant arrêtée me renverrait ses travailleurs.

— En ce cas, chargez-vous de toute l’industrie, de tous les transports, de l’agriculture même, reprenaient les ouvriers.

— Je ne le puis, répliquait le gouvernement. Un pareil régime serait la communauté, la servitude absolue et universelle, contre laquelle proteste l’immense majorité des citoyens. Elle l’a prouvé le 17 mars, le 16 avril, le 15 mai ; elle l’a prouvé en nous envoyant une assemblée composée aux neuf dixièmes de partisans de la libre concurrence, du libre commerce, de la libre et indépendante propriété. Que voulez-vous que je fasse contre la volonté de 35 millions de citoyens, contre la vôtre, ô malheureux ouvriers, qui m’avez sauvé de la dictature le 17 mars ?

— Faites-nous donc crédit, avancez-nous des capitaux, organisez la commandite de l’État.

— Vous n’avez point de gage à m’offrir, observait le gou-