Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient de la même école. En fait de science historique, il n’y a pas de différence entre le pyrrhonisme absolu et la plus profonde superstition. Cette politique du dernier règne, sans système malgré son pompeux verbiage, politique de bascule et d’expédients, vaut, au fond, autant que celle de Grégoire VII. C’était une routine qui suivait, comme le catholicisme, son développement dans une cécité profonde, et sans savoir où elle aboutirait.

La méthode philosophique, tout en reconnaissant que les faits particuliers n’ont rien de fatal, qu’ils peuvent varier à l’infini, au gré des volontés qui les produisent, les considère tous cependant comme dépendant de lois générales, inhérentes à la nature et à l’humanité. Ces lois sont la pensée éternelle, invariable de l’histoire : quant aux faits qui les traduisent, ils sont, comme les caractères d’écriture qui peignent la parole, comme les vocables qui expriment les idées, le côté arbitraire de l’histoire. Ils pourraient être indéfiniment changés, sans que la pensée immanente qu’ils couvrent en souffrît.

Ainsi, pour répondre à l’objection qui m’est faite, il était possible que le Gouvernement provisoire fût composé d’autres hommes ; que Louis Blanc n’en fît point partie ; que Barbès et Blanqui ne vinssent pas compliquer de leur influence rivale une situation déjà si complexe ; que la majorité de l’Assemblée nationale fût plus démocrate : tout cela, dis-je, et bien d’autres choses encore étaient possibles ; les événements auraient été tout différents de ce que nous les avons vus : là est le côté accidentel, factice, de l’histoire.

Mais la série révolutionnaire au milieu de laquelle le monde moderne est engagé, série qui résulte elle-même des conditions de l’esprit humain, étant donnée, plus un préjugé, admis par tout le monde et combattu en même temps par tout le monde, d’après lequel c’est à l’autorité