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s’est déjà écoulée dans les prisons d’État ! Le plus malheureux de tous fut Huber, qui, après quatorze ans de prison, à peine rendu à la lumière, est revenu solliciter une condamnation perpétuelle, afin de répondre à une calomnie démagogique. Quel fut le crime de tous ces hommes ?

En 1839, Blanqui et Barbès, agissant de concert, et comptant sur l’adhésion du peuple, entreprennent, par un hardi coup de main, de mettre un terme au scandale de la guerre des portefeuilles, qui, dès la première année du règne, affligeait, déshonorait le pays. Avaient-ils tort, ces hommes, d’en appeler au peuple, à la majorité des citoyens, au suffrage universel, en un mot, des honteuses cabales du régime à 200 fr. ? L’appel ne put être entendu : dix ans de réclusion firent expier aux deux conjurés leur attentat au monopole.

En 1848, Blanqui, l’infatigable initiateur, entraîné par une de ces bouffées de la multitude auxquelles les tribuns les plus influents ne résistent pas, se fait, devant l’Assemblée nationale hésitante, l’organe d’une pensée que tout lui dit être celle du peuple, qu’avait partagée depuis dix-huit ans la majorité de la bourgeoisie. Barbès, que la terreur égare, s’oppose à Blanqui en exagérant ses propositions, et, pour la troisième fois en trois mois, devient réacteur, pour sauver son pays d’une dictature imaginaire. Supposez un moment ces deux hommes d’accord ; supposez que la dissolution de l’Assemblée nationale, prononcée inopinément par Huber, eût été préparée, organisée à l’avance, qui peut dire où la Révolution, où l’Europe en seraient aujourd’hui ?....

Voilà ceux que l’effroi des campagnes se figure comme des génies malfaisants déchaînés sur la terre pour embraser le monde ; voilà les hommes dont le système constitutionnel a fait depuis dix-huit ans ses victimes expiatoires, et qui ne devaient pas être les dernières. M. de Lamartine, dans une