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Rome, Venise, la Hongrie, succombant les unes après les autres, à la nouvelle que la démocratie a été vaincue à Paris, en sont la preuve. L’élection du 10 décembre a été pour les peuples insurgés comme la perte d’une grande bataille ; la journée du 13 juin 1849 a été leur Waterloo. Ah ! si dans ce moment la liberté succombe, ce n’est pas parce que nous ne l’avons pas secourue, c’est que nous l’avons poignardée. Ne cherchons point à justifier nos fautes par nos malheurs ; la Révolution serait triomphante sur tous les points de l’Europe, si au lieu de la vouloir par la politique nous l’avions voulue par l’économie sociale.

Malgré mon opposition publiquement exprimée à la manifestation du 15 mai, je fus désigné, à l’Hôtel-de-Ville, pour faire partie du nouveau gouvernement. J’ignore à qui je fus redevable de ce périlleux honneur, peut-être à mon infortuné compatriote et ami, le capitaine Laviron, qui est allé consommer à Rome son martyre. Mais je ne puis m’empêcher de penser que si, dans la matinée du 15 mai, j’avais publié le quart du discours de M. Wolowski, j’aurais été infailliblement arrêté le soir, conduit à Vincennes, traduit devant la cour de Bourges, et puis enfermé à Doullens, pour m’apprendre à avoir des idées exactes sur la politique d’intervention et de neutralité. Ô justice politique ! revendeuse à faux poids ! qu’il y a d’infamie sous le plateau de ta balance !

Ainsi la réaction se déroulait avec la régularité d’une horloge, et se généralisait à chaque convulsion du parti révolutionnaire.

Le 17 mars, elle avait commencé contre Blanqui et les ultra-démocrates, au signal de Louis Blanc.

Le 16 avril, elle avait continué contre Louis Blanc, aux coups de tambour de Ledru-Rollin.

Le 15 mai, elle se poursuivit contre Ledru-Rollin, Flocon et les hommes que représentait la Réforme, par Bastide,