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son opposition à la dictature de Louis Blanc. Au 16 avril, Ledru-Rollin n’était ni socialiste ni communiste ; il se moquait des théories de son collègue. Délégué du peuple au ministère de l’intérieur, responsable de l’ordre et de la liberté devant le pays, chargé de défendre tous les intérêts, il ne put voir dans la manifestation du 16 avril qu’une tentative d’usurpation : il résista. Qui oserait le condamner ? À coup sûr, ce n’est pas Louis Blanc.

Le 16 avril , comme le 17 mars, n’en fut pas moins un échec à la Révolution ; car toute attaque au pouvoir dans le but de s’en servir pour violenter les instincts d’un pays, que cette attaque soit ou non suivie de succès, est un échec au progrès, une reculade. Louis Blanc avait-il l’espoir de faire triompher, par coup d’État et autorité dictatoriale, un système de réforme économique qui se résumait dans ces trois propositions :

1o Créer au pouvoir une grande force d’initiative ;

2o Créer et commanditer aux frais de l’État des ateliers publics ;

3o Éteindre l’industrie privée sous la concurrence de l’industrie nationale ?

C’eût été de sa part une grande illusion. Or, si le système économique de Louis Blanc n’est qu’oppression ; si le moyen dont il entendait se servir pour l’appliquer n’est qu’usurpation, comment qualifier la tentative du 16 avril ? comment l’excuser, je ne dis pas devant la conscience, — la bonne foi du publiciste couvre peut-être les intentions de l’homme d’État, — mais devant la raison ?

C’est à partir du 16 avril que le socialisme est devenu particulièrement odieux au pays. Le socialisme existait depuis 1830. Depuis 1830, saint-simoniens, phalanstériens, communistes, humanitaires et autres, entretenaient le public de leurs innocentes rêveries ; et ni M. Thiers, ni M. Guizot n’avaient daigné s’en occuper. Ils ne craignaient