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Cette unité, Constantin essaye de la refondre en embrassant le christianisme : mais alors commencent les guerres entre l’ancienne et la nouvelle religion, entre l’orthodoxie et l’hérésie. Et cela dure, et la guerre s’aggrave jusqu’à ce que l’empire, déclaré ennemi du genre humain, soit aboli, et l’unité dissoute.

Alors les nationalités, si longtemps sacrifiées, se reforment, rajeunies par la foi chrétienne et par le sang barbare : mais c’est pour recommencer le carnage et travailler à leur mutuelle extermination.

De guerre lasse, on revient à l’idée d’un empire chrétien : le pacte est scellé entre le pape et Charlemagne. Et, pendant cinq cents ans, on se bat pour l’interprétation de ce pacte. Chose effroyable ! c’est après que le souverain pontife eut été déclaré prince de la paix qu’on vit les évêques, les abbés, les religieux, saisis d’une fureur guerrière, endosser la cuirasse et ceindre l’épée, comme si la paix, prise trop au sérieux, avait été un attentat à la religion, un blasphème contre le Christ.

Pour sauver la foi, compromise dans l’hostilité universelle, et rouvrir une porte à la paix, qu’imagine alors la sagesse des nations ? De séparer les pouvoirs, si malheureusement unis. Mais la tragédie n’en devient que plus atroce. Plus que jamais la chrétienté se déchire : Pie II, Ænéas Silvius, le plus prudent, le plus saint, le plus vénéré des pontifes, ne parvient pas à réunir les princes chrétiens contre les Ottomans. Il en meurt de chagrin.

Ce ne sont pas les Turcs, s’écrie-t-on de tous côtés, qui mettent la division entre les peuples, c’est l’Eglise. Point de salut, point de paix pour le monde sans une réforme ! Et, sous prétexte de réforme, les guerres de religion recommencent, suivies bientôt des guerres politiques. Le seizième, le dix-septième et le dix-huitième siècle retentissent du bruit des armes. Dans le tumulte, Grotius écrit