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faut, si nous voulons éviter le cercle vicieux, établir directement la virtualité propre de la guerre quant à la conservation et au perfectionnement des mœurs, après quoi nous serons en droit de dire que la grandeur et la défaillance des états ont leur cause dans le décret de la Providence, qui tantôt les livre aux délices de la paix, tantôt leur impose les mâles épreuves de la guerre.

La condition par excellence de la vie, de la santé et de la force, chez l’être organisé, est l’action. C’est par l’action qu’il développe ses facultés, qu’il en augmente l’énergie, et qu’il atteint la plénitude de sa destinée.

Il en est de même pour l’être intelligent, moral et libre. La condition essentielle de l’existence pour lui est aussi faction, action intelligente et morale bien entendu, puisque c’est surtout de l’ordre intellectuel et moral qu’il s’agit.

Or, qu’est-ce qu’agir ?

Pour qu’il y ait action, exercice physique, intellectuel ou moral, il faut un milieu en rapport avec le sujet agissant, un non-moi qui se pose devant son moi comme lieu et matière d’action, qui lui résiste et le contredise. L’action sera donc une lutte:agir, c’est combattre.

Être organisé, intelligent, moral et libre, l’homme est donc en lutte, c’est-à-dire en rapport d’action et de réaction, d’abord avec la nature. Ici, déjà, plus d’une occasion s’offre à lui de montrer son courage, sa patience, son mépris de la mort, son dévouement à sa propre gloire et au bonheur de ses semblables, en un mot, sa vertu.

Mais l’homme n’a pas seulement affaire avec la nature ; il rencontre aussi l’homme sur son chemin, l’homme son égal, qui lui dispute la possession du monde et le suffrage des autres hommes, qui lui fait concurrence, qui le contredit, et, puissance souveraine et indépendante, lui oppose son veto. Cela est inévitable et cela est bien.