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quel se succèdent et se mesurent la durée des empires et la prospérité des nations. »


Ainsi le protestant et doctrinaire Ancillon, le mystique, et constitutionnel Portalis, l’idéaliste Hegel, donnent la main au catholique et féodal de Maistre : chose dont nous avons d’autant plus droit d’être surpris, que le premier, par son système des contre-forces, le second, par son attachement aux formes représentatives ; le troisième, par sa théorie à priori du droit, tendent également a créer, parmi les nations civilisées, un système de compression de la guerre. La guerre, disent à l’unisson ces auteurs, est mauvaise de sa nature ; mais elle est providentiellement, ou, pour mieux dire, prophylactiquement nécessaire à l’humanité, qu’elle, préserve de la corruption, comme la discipline préserve du relâchement le religieux, comme la férule guérit l’élève de ses mauvais penchants, comme la médecine amère purge le malade. La guerre nous régénère par le combat, castigat pugendo mores ; c’est le pendant de la comédie, qui nous châtie par le ridicule.

Mais je doute que le lecteur se contente de ces considérations quelque peu mystiques, superficielles, et même déclamatoires, en dépit de la gravité des auteurs qui me les fournissent. Argumenter des hautes vertus dont la guerre est l’occasion, du repentir qu’elle fait naître, et de la résipiscence qu’elle peut amener, pour en conclure son efficacité morale et politique, ne serait-ce pas raisonner comme le théologien qui, après avoir déduit du fait, selon lui avéré, de notre corruption originelle la nécessité d’une rédemption, déduisait ensuite, et non moins logiquement, de la mission de Jésus-Christ sur la terre et de la sublimité de son sacrifice, attesté par les Évangiles, la nécessité du péché originel ? Heureux péché, s’écriait-il, qui nous a valu la venue et la victoire du Rédempteur !… Il