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l’esclavage ; et le salariat, qui a remplacé le servage, n’est-ce pas toujours la guerre ? La douane n’est-elle pas la guerre ? L’opposition du travail et du capital, de l’offre et de la demande, du prêteur et de l’emprunteur, des priviléges d’auteurs, inventeurs, perfectionneurs, et des peines infligées aux contrefacteurs, falsificateurs et plagiaires, tout cela n’indique-t-il pas la guerre ?

Voici une nation, réputée autrefois l’une des plus braves, aujourd’hui la plus industrieuse, la plus puissante par les capitaux, qui demande le désarmement général et se prononce à chaque occasion contre la guerre.

Mais que fait-elle donc autre chose, en changeant d’armure, que d’appeler ses rivaux à un nouveau combat, où elle se croit sûre de vaincre ? Comment le Portugal s’est-il trouvé, dites-moi, d’avoir accepté la paix des Anglais ?

L’empereur Napoléon Ier avait le sentiment profond de cette vérité, pour nous éminemment paradoxale, que la guerre, j’entends la guerre telle que la conçoit et l’affirme la conscience du genre humain, et la justice, sont une seule et même chose. Un des traits de son caractère, c’est que, autant il aimait à faire montre de sa force, autant il était jaloux de faire œuvre de droit.

« Napoléon faisait la guerre pour amener les rois et les peuples à ses idées ; il voulait les persuader ; c’était son vœu le plus intime, son désir le plus cher. Ouvre-t-il une campagne, il a exposé à la puissance qu’il attaque le but qu’il se propose, le changement qu’il veut apporter dans l’économie européenne. Il prie qu’on veuille bien entendre raison ; mais il est forcé de livrer bataille ; et quand il l’a gagnée, que veut-il ? Signer la paix dans la capitale étrangère, content, enchanté, croyant avoir persuadé ceux qu’il a vaincus[1]. »

  1. Lerminier, Philosophie du Droit, p. 58.