Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par se donner un maître plus absolu que n’avait été Louis XIV. Apprenons donc à respecter nos anciens, encore aujourd’hui nos modèles.

Qu’est-ce que le droit de conquête, si cher encore a toutes les notions modernes ? Le droit divin. Devant les arrêts des batailles, le peuple s’incline avec respect. Peut-être cette adoration de la force est-elle au fond moins déraisonnable, moins inhumaine qu’on ne le suppose : mais il faut dire comment et pourquoi. Notre critique l’exige ; sans cela il en sera des conquêtes accomplies au nom de la révolution, de la liberté, de la nationalité, et de tous les principes les plus sacrés, comme de celles auxquelles présidait le dieu Sabaoth ; ce seront des faits de guerre, des mythes, et nous avons la prétention de n’être plus gouvernés par des mythes.

La conquête, en même temps qu’elle pose et arrondit l’état, crée le souverain. Nous en avons en ce moment sous les yeux un exemple frappant, en la personne de Victor-Emmanuel. Notre formalisme a beau faire : les conquérants sont les seuls princes que la multitude respecte ; les pacifiques, les débonnaires, sont méprisés, bafoués, jetés a l’échafaud ou au couvent. Que signifie l’élévation sur le pavois, à l’image de laquelle furent faites les élections de 1804 et de 1852 ? La guerre et son droit, c’est-à-dire le droit divin. Clovis, fondateur de la monarchie des Francs, c’est la guerre. Sa postérité est chassée comme fainéante ; c’était la paix. Lorsque Pépin consulta le pape Zacharie sur la validité de son usurpation, que répondit le pontife ? Une chose bien simple, que je m’étonne de voir reprocher au pape : c’est qu’en droit naturel la royauté est au plus fort, attendu que la royauté, c’est la force, la chose divine par excellence, base nécessaire du droit divin. Les Mérovingiens, en laissant amollir leur courage, avaient perdu le domaine, l’autorité, le commandement, la