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méthodiques. D’où l’on inféra qu’établir des magasins était chose surérogatoire, et que la guerre, selon la formule de Napoléon, devait nourrir la guerre[1]. »


Cette observation aurait pour conséquence, entre autres, de réduire singulièrement le mérite de certains succès. On y trouve une des causes principales des défaites essuyées par le maréchal Wurmser en 1797, par M. de Kray en 1800, etc. Ces malheureux généraux avaient d’autant moins de chances de vaincre que, combattant sur leur propre territoire, ils devaient ménager leurs nationaux, alliés ou sujets, dont la spoliation devenait au contraire un moyen de plus pour l’ennemi.

Mais, ajoute l’écrivain que je cite, ce système est sujet à de terribles difficultés.


« Appliqué aux contrées stériles de l’Espagne, il coûta deux fois autant d’hommes que des batailles rangées aux armées françaises, qui, pour subsister, étaient forcées de s’éparpiller sur d’immenses surfaces, ce qui ne leur permettait plus de se concentrer au besoin, et les livrait impuissantes aux bandes ennemies. »


L’observation est bonne à recueillir. A la guerre, dans la lutte des forces, la maraude est en définitive plus nuisible qu’utile. Voilà qui va bien. Mais nous voulons du droit, et l’auteur que je cite ne dit point que cette considération d’intérêt bien entendu ait fait renoncer les nations de l’Europe à cette odieuse pratique. Elle continue de faire partie du code en vigueur, dont le principe est que tout ce qui peut contribuer à la ruine de l’ennemi est licite. Elle n’est pas non plus abandonnée par les stratégistes,

  1. Laurillard-Fallot, Cours d'art militaire, tome Ier, page 33.