Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dénonciation ; quand ils parlent des formes et des lois de la guerre ; quand ils livrent à l’infamie le barbare qui les viole. Le chef d’armée en campagne est, vis à-vis du chef ennemi, comme le plaideur en face de son adversaire devant le tribunal : tous les deux à ce moment sont la personnification de leurs peuples ; ils en représentent la puissance, l’honneur et toutes les facultés.

C’est pour cela que le consul romain était à la fois général et magistrat, qu’il réunissait en sa personne tous les pouvoirs, et que les Romains, qui se qualifiaient eux-mêmes, à la ville, de quirites, porte-lances (bourgeois), prenaient le nom de milites (troupiers ?) en campagne. Le premier, dérivé de quir, pique ou javelot, nom du Dieu de la guerre, distinguait l’homme libre de l’esclave et de l’affranchi, lesquels n’avaient pas le droit de porter les armes ; c’était l’insigne du droit, l’insigne de la propriété. Le second désignait la solidarité politique, dont le corps d’armée était l’image. La guerre, qui mettait en jeu toutes les forces de la nation, n’était donc qu’une variété de la justice, une variété de la religion. On l’appelait pieuse, juste, sainte, sacrée ; elle s’accompagnait de toutes sortes de formalités, de purifications, de cérémonies ; en sorte que le plus religieux et le plus juriste des peuples en fut en même temps le plus guerrier.

Tout ici nous prouve donc que la conduite de la guerre ne peut être laissée au hasard, abandonnée à la férocité du soldat pas plus qu’à l’arbitraire des généraux. En premier lieu, chaque nation ayant droit, soit pour attaquer soit pour se défendre, de faire usage de ses moyens naturels, de tirer avantage de sa position et de toutes les circonstances favorables, il en résulte que la guerre peut varier dans ses opérations. Elle peut se réduire au choc des armées en rase campagne, ou bien embrasser une série de mouvements sur terre et, sur mer, des siéges, etc.