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du Saint-Empire romain, et garantie dans sa possession par les traités de 1814-1815 ; le roi de Naples, les ducs de Toscane, de Parme et de Modène, ralliés à l’idée pontificale et à la politique autrichienne.

Or, remarquez que si la jeune Italie avait son droit, les souverains susmentionnés avaient incontestablement aussi le leur ; en sorte que, devant le droit des gens, ici seul applicable, et devant le tribunal de la guerre, seul compétent pour faire cette application, les deux parties doivent être considérées comme également honorables, également de bonne foi, également fondées dans leur revendication. En effet, si l’un a le droit d’être libre penseur et de chercher son développement dans les conditions de la libre pensée, l’autre n’a pas moins le droit de rester catholique et de chercher son salut dans les institutions du catholicisme. Pareillement, si le premier est bien reçu à donner la préférence au système constitutionnel, dernière création du génie politique, on ne peut refuser au second de s’en tenir au régime absolutiste, dont l’antiquité est immémoriale. Mais ces deux tendances, supportables entre deux particuliers soumis à un même gouvernement, sont incompatibles dans le gouvernement. L’état ne peut être à la fois libéral et absolutiste, croyant et philosophe : il faut opter. A qui restera le pouvoir ? Telle est maintenant la question.

Je dis donc, et telle est la théorie que je m’efforce ici de faire prévaloir, qu’une semblable question, descendant des hauteurs de la spéculation intellectuelle, sortant du secret de la conscience et quittant l’arène philosophique pour se poser sur le terrain de la raison d’état, ne peut être résolue que par la force. Et j’ai pour moi l’opinion des libres penseurs eux-mêmes, partisans du suffrage universel et du principe parlementaire des majorités. La loi du nombre, en effet, qu’est-elle autre chose, ainsi que je l’ai fait voir