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sans qu’aucune résistance, aucun héroïsme, puisse faire obstacle à l’incorporation. Puis, après une existence plus ou moins longue, on voit ces groupes se dissoudre, sans qu’aucune force puisse arrêter la dissolution. Que veut dire ce double fait ? C’est d’abord que dans le plan de la civilisation, l’État, expression d’une collectivité, organe du droit, exige une certaine étendue, en deçà de laquelle il reste insuffisant, au delà de laquelle il devient écrasant pour les peuples, dans l’un et l’autre cas, incapable de remplir convenablement son mandat. C’est ensuite que, la conquête terminée, l’assimilation des peuples vaincus dans un même État doit s’opérer sous certaines conditions qui, si elles sont négligées, restituent bientôt les éléments incorporés à leurs attractions respectives, créent l’antagonisme au sein de l’État, et en amènent la décomposition. Ce n’est pas tout d’avoir vaincu, il faut savoir utiliser la victoire. L’assimilation après la conquête est le premier devoir du conquérant, je dirai même le droit du peuple conquis. Sans cette assimilation la guerre est abusive, puisqu’elle est inutile ; le jugement de la force devient frauduleux, tyrannique ; la nature et la Providence sont trompées : il y a lieu à cassation.

D’autres fois, on voit des États, brusquement formés, disparaître avec une rapidité non moins grande. Que signifie encore cela ? C’est que l’accroissement des États, comme celui des animaux et des plantes, a besoin de temps ; que si les incorporations se succèdent trop vite, elles dépassent la puissance d’assimilation de l’État ; que, par conséquent, les victoires qui les procurent ne sont pas des victoires de bon aloi, produites par une vraie supériorité de force ; ce qui ôte à la guerre son efficacité et en annule les décisions.

Les républiques grecques, si jalouses de leur indépendance, si hostiles à l’unité, pourquoi, en définitive, se