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s’enseigne point aux écoles, et l’on naît héros et capitaine absolument comme on naît poëte.

On conçoit que les brigands, les géants, les pirates, si forts, si bien retranchés et si nombreux qu’ils fussent, n’avaient pas beau jeu avec Hercule. Certain chef barbare, de la race des anciens Pélasges, d’une stature démesurée, s’était établi dans un passage où il détroussait et scalpait les voyageurs. Hercule, berné par lui, le défia à la lutte, lui broya le cœur en le serrant dans ses bras, et de sa chevelure fit un chasse-mouches pour ses palefreniers. Un tyran nourrissait ses chevaux de chair humaine : Hercule le leur fit dévorer tout vivant.

Il eut ainsi bientôt fait la police par toute la Grèce. Tant qu’il vécut, les routes furent sûres. De toutes parts on l’appelait : il partait seul, avec sa massue, son arc et ses flèches. Son expédition terminée, il saluait ses hôtes, se contentant pour toute récompense du butin fait sur l’ennemi. Sa réputation s’étendait au loin, et n’était égalée que par sa bonhomie.

Malgré ses éminents services, et bien que, parmi les princesses de la Grèce, aucune ne lui eût certainement tenu rigueur, Hercule vécut en aventurier ; il ne sut pas se conquérir un trône. Pas une des villes qu’il avait sauvées ne lui offrit de le prendre pour prince. Invincible à la guerre, il n’entendait rien à la politique. Si je savais lire ! disait-il avec une touchante modestie. Si je savais monter à cheval ! disait l’ambitieux avocat, Robespierre.

A la fin de l’année scolaire, le maître de l’école annonça à ses élèves une distribution de prix. Le programme était magnifique : après un sacrifice aux dieux, il devait y avoir des danses, des chants et de la déclamation. Une tragédie, de la composition du professeur, serait jouée par les élèves. Le tout se terminerait par le couronnement des lauréats.

Au jour indiqué, toute la ville se rendit à la cérémonie.