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et l’une par l’autre. Dans le droit international, si l’équilibre des puissances ne peut être amiablement obtenu, il y aura suppression, par la guerre, d’un ou de plusieurs des états antagoniques ; dans le droit politique, au contraire, l’ordre est impérieusement exigé sans qu’il en coûte le sacrifiée d’une seule liberté ni d’une seule vie : la proscription, qui est, pour ainsi dire, l’âme du droit des gens, devient ici contradictoire.

Ainsi la notion du droit de la force est toujours présente à la pensée du législateur éternel. Elle le suit dans toutes ses créations, soit qu’il fonde l’État, soit qu’il coordonne des nations indépendantes ; et toujours on la retrouve, sauf la différence des applications, dans chacune des métamorphoses de la loi.

Mais il faut entrer plus avant dans l’esprit des constitutions, et montrer, par les faits, cette ubiquité du droit de la force. Assurément tout ne se rapporte pas, dans le droit public, à la force ; mais tout la suppose, non-seulement comme moyen d’action et organe de l’autorité, instrumentum regni, mais comme principe et source du droit, ce qui est fort différent.

On a vu plus haut, chap. II, le patriarcat ou patriciat se former spontanément par la juste reconnaissance du droit de la force. Une conséquence de ce principe a été la formation de l’aristocratie ou des castes. L’idée que la force engendre la force, que les forts naissent des forts, produisant l’institution de la noblesse héréditaire, voilà bien, comme je le disais tout à l’heure, le droit se subjectivant dans l’homme au nom de sa qualité la plus apparente, la force. C’est donc toujours, au fond, la force qui décide de la justice, sauf l’introduction d’un nouvel élément, la famille.

Mais la noblesse abuse de ses priviléges ; d’un côté, elle se corrompt par le pouvoir et la richesse, de l’autre elle