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nion que je propose, que des prévisions sur des litiges à vider éventuellement par les armes.

Avant tout, il est un principe dont il faut que le lecteur soit fortement convaincu, s’il veut comprendre quelque chose à la politique et à l’histoire :

Les nations sont absolues dans l’exercice de leur souveraineté ; elles ne sont pas inviolables dans cette souveraineté même. Elles ne relèvent d’aucun tribunal ; mais elles peuvent être légalement privées de leur existence politique par la guerre. En cas de litige entre deux puissances, la question est décidée par le conflit, lequel entraîne, s’il y a lieu, la mort politique du vaincu, jamais sa subordination. Devant le droit de la guerre et devant le droit des gens, le respect de la nationalité n’existe pas.


Question d’Orient. — Il n’est douteux pour personne en Europe que l’empire turc ne soit arrivé au terme de sa décadence, et qu’il n’y ait lieu pour toutes les puissances de se préoccuper de sa succession. C’est donc sur un cas de mort politique que nous avons à répondre.

En droit civil, la maxime est que le mort saisit le vif, c’est-à dire que le fils ou le plus proche parent reprend la gestion des biens et affaires du défunt. Les lois de la formation des états et les témoignages de l’histoire prouvent qu’il en est de même des corps politiques. A l’empire romain d’Occident, mort, comme la Turquie, de dissolution intérieure, succédèrent les nationalités dont il s’était composé, et que l’on peut regarder comme ses héritières naturelles. Les barbares, qui donnèrent leur nom à plusieurs des nouveaux états, Francs dans les Gaules, Ostrogoths en Italie, Wisigoths en Espagne, ne figurent en tout ceci, pour ainsi dire, que comme des exécuteurs testamentaires, agents à la fois de destruction et de renaissance, qui retiennent de l’empire tout ce qu’ils peuvent, se convertissent