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l’art de forger le fer et d’en fabriquer toutes sortes d’instruments. C’était un siècle de renaissance, où princes et peuples rivalisaient d’émulation pour la sagesse et le progrès.

Le jeune héros obéit avec joie, ne doutant pas qu’il ne vînt à bout de toute science, divine et humaine, comme il faisait des brigands et des monstres. Il prit un style, des tablettes, se mit en devoir d’apprendre les lettres, les nombres, la gamme des sons, les figures de la géométrie, et d’écrire sous la dictée du maître, afin de les mieux loger en sa mémoire, les hymnes des poètes et les apophthegmes des sages.

Mais ce fut en vain que le fils d’Amphitryon s’appliqua de toute la puissance de sa volonté et de son entendement à ces subtiles études. Il ne fit aucun progrès, et fut constamment noté le dernier de l’école. La moindre contention d’esprit l’étourdissait. Lorsque assis dans la salle d’étude, la tête penchée sur son banc, il s’efforçait de tracer sur le sable, en répétant leur nom, les caractères d’écriture ou les signes de numération, le feu lui montait à la face ; il sentait aux tempes battre ses artères ; ses yeux sortaient de leurs orbites ; des gouttes sanglantes coulaient le long de son visage. Son intelligence, toute d’intuition, ne parvenait à rien saisir analytiquement. L’art d’assembler les lettres, d’en former des mots, cet art avec lequel on amuse aujourd’hui les petits enfants, était pour lui un casse-tête. Il fallait, au milieu de chaque leçon, l’envoyer respirer et se rafraîchir dans le verger. Il parvint à signer son nom, ERAKLES ; encore se servait-il pour cela d’un morceau de cuir, où les sept lettres qui formaient son nom étaient gravées à l’emporte-pièce, et dans les vides duquel il passait son calame. Mais ce fut tout : jamais il ne connut les seize lettres de l’alphabet cadméen. Quant aux signes de numération, aux figures de géométrie, il ne réussit pas davan-