Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le destin, a sonné. Deux nations sont en présence : il s’agit de savoir laquelle doit donner son nom à l’autre, et, en l’absorbant, doubler sa propre souveraineté. Qui les pousse à ce duel ? La force des choses, l’ordre de la Providence, dit le chrétien ; la loi des sphères, dirait Machiavel. Eh bien, s’écrient-ils tous ensemble, mourons, ou sauvons l’honneur de nos pères et l’immortalité de notre race !

La guerre, sans haine ni injure, entre deux nations généreuses, pour une question d’état inévitable et de toute autre manière insoluble ; la guerre, comme revendication du droit de la force, de la souveraineté qui appartient à la force : voilà, je ne m’en cache pas, ce qui me semble à moi l’idéal de la vertu humaine et le comble du ravissement. Qui oserait parler ici de voleurs et d’assassins ?

Voulez-vous un éclatant témoignage de la réalité du droit de la guerre et de son intervention nécessaire dans la société ? Regardez ce qui arrive, en ce moment, au chef de l’Église chrétienne. A la chute de l’empire, sous les coups répétés de la barbarie, l’Italie tombe en dissolution. Les villes, rendues à leurs attractions naturelles, travaillent, chacune de son côté, à reconstituer leur indépendance. Le christianisme était la loi universelle ; l’Église, avec la papauté pour centre, la seule puissance. Il était aisé à la Rome chrétienne de refaire une Italie compacte, armée contre toute influence du dehors, si le chef de l’Église avait été, comme le consul antique, comme l’empereur païen, à la fois pontife, magistrat et général. Mais le Christ avait déclaré que son royaume n’est pas de ce monde ; lui-même avait pris soin de séparer le spirituel du temporel ; des passages formels de la loi défendent au prêtre de tirer le glaive. Pour opérer la recomposition de l’état italien, le Pape n’a que la foudre du sanctuaire, l’excommunication. Sa puissance d’opinion est énorme : tout se prosterne quand il répand la bénédiction ou qu’il fulmine l’anathème ; tout se