Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 1, 1869.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clame une action quotidienne et un exercice de toutes ses facultés ; celui-là, plus restreint, dérive du travail même, et se mesure au produit. Dans le droit AU travail il s’agit d’un travail à obtenir et à faire ; dans le droit ou travail, il est plutôt question d’un travail fait, et pour lequel on réclame salaire ou privilége. La même distinction existe entre le droit de l’amour et le droit à l’amour ; le droit de propriété et le droit à la propriété, etc.

Je dis maintenant qu’il y a un droit de la force, en vertu duquel le plus fort a droit, en certaines circonstances, à être préféré au plus faible, rémunéré à plus haut prix, ce dernier fût-il d’ailleurs plus industrieux, plus savant, plus aimant ou plus ancien. Et comme nous avons vu le droit du travail, de l’intelligence et de l’amour émaner directement de la faculté qui sert à le définir, dont il est la couronne et la sanction : pareillement le droit de la force a aussi son principe dans la force, c’est-à-dire toujours dans la personne humaine, manifestée sous l’hypostase de la force. Le droit de la force n’existe pas plus que les autres par convention tacite ; ce n’est ni une concession ni une fiction ; il n’est pas davantage un rapt : c’est, très-réellement et dans toute l’énergie du terme, un droit.

Et ce que j’ai dit, d’ailleurs, du travail, de l’intelligence, de l’amour, de l’ancienneté, je le répète de la force. Droit et force ne sont pas choses identiques ; de toutes nos facultés il n’y a que la conscience qui nous serve à connaître, sentir, affirmer et défendre le droit, et dont la justice puisse reconnaître l’identité avec elle-même. La force n’a rien à voir dans les affaires de l’intelligence et de l’amour ; elle n’a rien de commun avec l’âge et le temps ; dans le travail même elle n’intervient que comme instrument, par conséquent elle ne le supplée point et ne peut en usurper les prérogatives. Mais la force fait partie de l’être humain, elle contribue à sa dignité ; conséquemment elle a