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gistratures ne partageaient pas, il est vrai, la souveraineté, mais elles lui opposaient partout des limites que l’honneur défendait avec opiniâtreté. Pas une n’a survécu, et nulle autre ne s’est élevée à leur place ; la Révolution n’a laissé debout que des individus. La dictature qui l’a terminée a consommé, sous ce rapport, son ouvrage. De cette société en poussière est sortie la centralisation ; il ne faut pas chercher ailleurs son origine. La centralisation n’est pas arrivée, comme d’autres doctrines, le front levé, avec l’autorité d’un principe ; elle a pénétré modestement, comme une conséquence, une nécessité. En effet, là où il n’y a que des individus, toutes les affaires qui ne sont pas les leurs sont les affaires publiques, les affaires de l’État. Là où il n’y a pas de magistrats indépendants, il n’y a que des délégués du pouvoir. C’est ainsi que nous sommes devenus un peuple d’administrés sous la main de fonctionnaires responsables, centralisés eux-mêmes dans le pouvoir dont ils sont les ministres. La Société a été léguée dans cet état à la Restauration.

» La Charte avait donc à constituer tout à la fois le Gouvernement et la Société. La Société a été, non oubliée ou négligée, sans doute, mais ajournée. La Charte n’a constitué que le Gouvernement ; elle l’a constitué par la division de la souveraineté et la multiplicité des pouvoirs. Mais pour qu’une nation soit libre, il ne suffit pas qu’elle soit gouvernée par plusieurs pouvoirs. Le partage de la souveraineté opéré par la Charte est sans doute un fait important et qui a de fort grandes conséquences, relativement au pouvoir royal qu’il modifie ; mais le Gouvernement qui en résulte, quoique divisé dans ses éléments, est un dans son action, et s’il ne rencontre au de-