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luttant contre des abus plus apparents, ne put agir qu’à la surface. Après avoir détruit la tyrannie, elle ne sut fonder l’ordre, dont les ruines féodales qui jonchaient la patrie lui cachaient les éléments. Aussi, cette révolution, dont l’histoire nous paraît si complète, pure négation, ne sera devant la postérité que le premier acte, l’aurore de la grande Révolution qui doit remplir le dix-neuvième siècle.

La secousse de 89-93, après avoir aboli, avec le despotisme monarchique, les derniers restes de la féodalité, proclamé l’unité nationale, l’égalité devant la loi et devant l’impôt, la liberté de la presse et des cultes, et intéressé le peuple, autant qu’elle le pouvait faire, par la vente des biens nationaux, n’a laissé aucune tradition organique, aucune création effective. Elle n’a même réalisé aucune de ses promesses. En proclamant la liberté des opinions, l’égalité devant la loi, la souveraineté du peuple, la subordination du pouvoir au pays, la Révolution a fait de la Société et du Gouvernement deux choses incompatibles, et c’est cette incompatibilité qui a servi de cause ou de prétexte à cette concentration liberticide, absorbante, que la démocratie parlementaire admire et loue parce qu’il est de sa nature de tendre au despotisme, la centralisation.

Voici comment s’expliquait, à ce propos, M. Royer-Collard, dans son discours sur la liberté de la presse (Chambre des députés, discussion des 19-24 janvier 1822) :

« Nous avons vu la vieille société périr, et avec elle une foule d’institutions démocratiques et de magistratures indépendantes qu’elle portait dans son sein, faisceaux puissants de droits privés, vraies républiques dans la monarchie. Ces institutions, ces ma-