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évident que si, par l’ineffable intégrité du caractère français, les prévaricateurs ont été rares, la prévarication est organisée, elle existe ?

Toulon, assis sur la mer, a perdu son droit de pêche, sait-on comment ? La ville de Marseille convoitant le monopole de cette lucrative industrie, le Gouvernement prétendit que les filets des pêcheurs de Toulon entravaient la circulation des vaisseaux de l’État ! C’est pourquoi les habitants de Toulon font venir aujourd’hui leur poisson de Marseille.

Depuis longtemps la batellerie réclame l’abolition des droits de navigation sur les canaux, produit insignifiant pour le fisc, mais entrave désastreuse pour le commerce. Le Gouvernement objecte qu’il n’est pas libre, qu’il lui faut une loi de rachat, que d’ailleurs il y a un projet d’affermage. Le fin mot, c’est d’abord qu’il y a des actions de jouissance, lesquelles actions espèrent se faire racheter fort cher ; puis, que si les droits de navigation étaient abolis, la batellerie pourrait faire concurrence aux chemins de fer, dont les concessionnaires, fort bien en ministères, n’ont nul intérêt à réduire leurs tarifs. Soupçonneriez-vous M. Léon Faucher, M. Fould, M. Magne, voire même le président de la République, de faire argent de leurs attributions, et cet argent, de le mettre dans leur poche ? Non pas moi. Je dis seulement que si l’homme du pouvoir a la volonté de prévariquer, il le peut, et que tôt ou tard il le fera. Que dis-je ? On en viendra à faire de la vénalité l’une des prérogatives du Gouvernement. Le tigre dévore parce qu’il est organisé pour dévorer ; et vous ne voulez pas qu’un gouvernement organisé pour la corruption fasse de la corruption ?…

Il n’y a pas jusqu’aux établissements de bienfai-