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et au besoin des recrues ; reconstituer peu à peu et anoblir la grande propriété ; — Louis-Philippe, sur la fin de son règne, ne s’était-il pas mis à délivrer des lettres de noblesse ? — récompenser ainsi, par des voies indirectes, certains dévouements que le tarif officiel des places ne pourrait satisfaire ; rattacher tout, enfin, secours, récompenses, pensions, adjudications, concessions, exploitations, autorisations, places, brevets, priviléges, offices ministériels, sociétés anonymes, administrations municipales, etc., etc., au patronage suprême de l’État.

Telle est la raison de cette vénalité, dont les scandales sous le dernier règne nous ont si fort surpris, mais dont la conscience publique se fût moins étonnée peut-être si l’on avait pu en divulguer le mystère. Tel est le but ultérieur de cette centralisation qui, sous prétexte d’intérêt général, exploite, pressure les intérêts locaux et privés, en vendant au plus offrant et dernier enchérisseur la justice qu’ils réclament.

La corruption, sachez-le donc, est l’âme de la centralisation. Il n’y a monarchie ou démocratie qui tienne. Le gouvernement est immuable dans son esprit et dans son essence ; s’il se mêle d’économie publique, c’est pour consacrer par la faveur et par la force ce que le hasard tend à établir. Prenons pour exemple la douane.

Les droits de douane, tant à l’importation qu’à l’exportation, non compris les sels, produisent à l’État 160 millions. 160 millions pour protéger le travail national ! Apercevez-vous la jonglerie ? Supposez que la douane n’existe pas ; que la concurrence belge, anglaise, allemande, américaine, envahisse de tous côtés notre marché, et qu’alors l’État fasse aux industriels français la proposition suivante : Lequel préférez-