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des capacités, loin de servir le Pays et l’État, leur est un inconvénient. Il faut donc, pour éviter des déclassements périlleux, que l’instruction soit distribuée suivant le taux des fortunes ; qu’elle soit faible ou même nulle pour la classe la plus nombreuse et la plus vile, médiocre pour la classe moyenne, supérieure seulement pour le petit nombre de sujets riches, destinés à représenter, par leurs talents, l’aristocratie d’où ils sortent. C’est ce que le clergé catholique, fidèle à ses dogmes, fidèle aux traditions féodales, a dans tous les temps fort bien compris : la loi qui lui a livré l’Université et les écoles n’a été qu’un acte de justice.

Ainsi, l’enseignement ne peut être universel, ni surtout libre : dans une société restée féodale, ce serait un contre-sens. Il faut, pour maintenir la subordination dans les masses, restreindre l’éclosion des capacités, réduire la population des collèges, trop nombreuse et trop remuante ; retenir dans une ignorance systématique les millions de travailleurs que réclament les travaux répugnants et pénibles ; user, enfin, de l’enseignement comme n’en usant pas, c’est-à-dire le diriger dans le sens de l’abrutissement et de l’exploitation du prolétariat.

Et comme si le mal, de même que le bien, devait avoir sa sanction, le Paupérisme, ainsi prévu, préparé, organisé par l’anarchie économique, a trouvé la sienne : elle est dans la statistique criminelle. Voici quelle a été depuis 25 ans la progression du chiffre des affaires poursuivies à la requête du ministère public et des prévenus :

............................... ............................... Affaires ............................... Prévenus
1827 ............................... 34,908 ............................... 47,443
1846 ............................... 80,891 ............................... 101,433
1847 ............................... 95,914 ............................... 124,159