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preneurs, peuvent exercer leurs droits à la concurrence.

Il en résulte que la concurrence, ainsi que l’ont reconnu MM. Rossi, Blanqui, Dupin et une foule d’autres, au lieu de servir à démocratiser l’industrie, à soutenir le travailleur, à garantir la sincérité du commerce, n’aboutit qu’à former une aristocratie mercantile et territoriale plus rapace mille fois que l’aristocratie nobiliaire ; que par elle tous les profits de la production passent du côté des capitaux ; que le consommateur, sans défense contre les fraudes commerciales, est rançonné par le spéculateur, et la condition des ouvriers de plus en plus précaire. « J’affirme, s’écrie à ce propos Eugène Buret, que la classe ouvrière est abandonnée corps et âme au bon plaisir de l’industrie. » Et ailleurs : « Les plus faibles efforts de la spéculation peuvent faire varier le prix du pain de 5 centimes et au delà par livre, ce qui représente 620,500,000 francs pour trente-six millions d’hommes. »

On a vu naguère, lorsque le préfet de police, répondant au vœu général, autorisa la vente de la viande à la criée, ce que peut pour le bien-être du peuple la libre concurrence, et combien cette garantie est encore parmi nous illusoire. Il n’a pas moins fallu que l’énergie de toute une population et le concours du pouvoir pour vaincre le monopole des bouchers.

Accusez la nature humaine, nous disent les économistes ; n’accusez pas la concurrence. — Sans doute ; aussi n’accusé-je point la concurrence. Mais je ferai observer que la nature humaine ne fait pas non plus le mal pour le mal, et je demande comment elle a perverti sa voie ? Quoi ! la concurrence devait nous rendre de plus en plus égaux et libres, et voici qu’elle nous