Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.

féodal-agricole. Je dis que ce n’est pas l’industrie qu’il faut accuser, mais l’anarchie économique ; je soutiens que le principe a été faussé, qu’il y a ici désorganisation de forces, et que c’est à cela qu’il faut attribuer la tendance fatale dans laquelle est emportée la société.

Autre exemple.

La Concurrence est, après la division du travail, un des agents les plus énergiques de l’industrie, en même temps qu’une de ses garanties les plus précieuses. C’est pour elle, en partie, qu’a été faite la première révolution. Les associations ouvrières, formées à Paris depuis quelques années, lui ont récemment donné une sanction nouvelle, en établissant chez elles le travail aux pièces et abandonnant, sur expérience, l’idée absurde de l’égalité des salaires. La concurrence est la loi même du marché, le condiment de l’échange, le sel du travail. Supprimer la concurrence, c’est supprimer la liberté même, c’est commencer la restauration de l’ancien régime par en bas, en replaçant le travail sous le régime de favoritisme et d’abus dont 89 l’a affranchi.

Or, la concurrence, manquant de formes légales, de raison supérieure et régulatrice, s’est pervertie à son tour, comme la division du travail. D’un côté comme de l’autre il y a corruption de principe, anarchie et tendance au mal. Cela paraîtra hors de doute, si l’on songe que sur trente-six millions d’âmes qui composent le peuple français, dix millions au moins appartiennent à la classe salariée, à laquelle la concurrence est interdite, et n’ont de lutte qu’entre eux, pour leur maigre salaire. En sorte que la concurrence qui, dans la pensée de 89, devait être de droit commun, est aujourd’hui chose d’exception et de privilége : ceux-là seuls à qui leurs capitaux permettent de devenir entre-