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leur décroît et la main-d’œuvre tend à se réduire. Mais plus la valeur de l’ouvrier s’abaisse et la demande de travail faiblit, plus le salaire diminue, plus la misère augmente. Et ce ne sont pas quelques centaines d’hommes qui sont victimes de cette perturbation industrielle, ce sont des millions.

En Angleterre, on a vu successivement, par la division du travail et la puissance des machines, le nombre des ouvriers dans certains ateliers diminuer du tiers, de moitié, des trois quarts, des cinq sixièmes ; puis les salaires, décroissant dans la même proportion, tomber de la moyenne de 3 francs par jour à 50 et 30 centimes. Des expulsions de bouches inutiles ont été opérées par des propriétaires sur des provinces entières. Partout la femme, puis l’enfant, ont pris la place de l’homme dans les manufactures. La consommation, dans un peuple appauvri, ne pouvant aller du même pas que la production, celle-ci est obligée d’attendre : il en résulte des chômages réguliers de six semaines, trois mois et six mois par année. La statistique de ces chômages, pour les ouvriers parisiens, a été récemment publiée par un ouvrier, Pierre Vinçard : le détail en est navrant. La modicité du salaire étant en raison de la durée du chômage, on arrive à cette conclusion que certaines ouvrières, gagnant 1 franc par jour, par la raison qu’elles ne chôment que six mois, doivent vivre avec 50 centimes. Voilà le régime auquel est soumise, à Paris une population de 320, 000 âmes. Et il est permis de juger de la situation des classes ouvrières, sur tous les points de la République, d’après cet échantillon.

Les conservateurs philanthropes, partisans des anciennes mœurs, accusent de cette anomalie le système industriel : ils voudraient qu’on en revînt au régime