Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la main-d’œuvre, au moyen de laquelle chaque personne faisant toujours la même opération, ou un petit nombre d’opérations, le produit, au lieu de sortir intégralement des mains d’un seul ouvrier, devient l’œuvre commune et collective d’un grand nombre.

Suivant Adam Smith, qui le premier démontra scientifiquement cette loi, et tous les économistes, la division est le grand levier de l’industrie moderne. C’est à elle principalement qu’il faut attribuer la supériorité des peuples civilisés sur les peuples sauvages. Sans la division du travail, l’emploi des machines ne serait pas allé au delà des plus anciens et des plus vulgaires outils ; les miracles de la mécanique et de la vapeur ne nous eussent jamais été révélés ; le progrès eût été fermé à la société ; la révolution française elle-même, manquant d’issue, n’eût été qu’une révolte stérile : elle n’aurait jamais abouti. Par la division, au contraire, le produit du travail monte au décuple et au centuple, l’économie politique s’élève à la hauteur d’une philosophie, le niveau intellectuel des nations va toujours grandissant. La première chose qui devait donc attirer l’attention du législateur dans une société fondée en haine du régime féodal et guerrier, destinée par conséquent à s’organiser pour le travail et la paix, c’était la séparation des fonctions industrielles, la Division du travail.

Il n’en a pas été ainsi. Cette puissance économique est laissée à toutes les subversions du hasard et de l’intérêt. La division du travail, devenant toujours plus parcellaire et restant sans contre-poids, l’ouvrier a été livré à un machinisme toujours plus dégradant. C’est un effet de la division du travail, quand elle est appliquée comme cela se pratique de nos jours, non-seulement de rendre l’industrie incomparablement