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C’est à ce jeu des quatre coins que notre pauvre pays passe sa vie depuis 93, et nous ne sommes pas à la dernière partie. S’il est permis de révéler un fait connu de tout le monde, la Solidarité républicaine, société formée pour affirmer, propager et défendre la Révolution, avait en même temps pour but, non pas de renverser le Gouvernement, mais de préparer un personnel gouvernemental, qui le cas échéant pût remplacer l’ancien et continuer, sans désemparer, la manœuvre. C’est ainsi que les révolutionnaires de nos jours entendent leur rôle. Quel bonheur pour la Révolution que le gouvernement de Louis-Bonaparte ait dissous la Solidarité républicaine !

Comme la religion d’État est le viol de la conscience, la centralisation administrative est la castration de la liberté. Institutions funèbres, émanées de la même fureur d’oppression et d’intolérance, et dont les fruits empoisonnés montrent bien l’analogie ! La religion d’État a produit l’inquisition, l’administration d’État a engendré la police.

Certes, on comprend que le sacerdoce, qui ne fut, à l’origine, comme le corps des mandarins chinois, qu’une caste de savants et de lettrés, ait conservé des pensées de centralisation religieuse : la science, intolérante à l’erreur, comme le goût au ridicule, aspire légitimement au privilége d’instruire la raison. Le sacerdoce jouit de cette prérogative, tant qu’il eut pour programme la science, dont le caractère est d’être expérimentale et progressive ; il la perdit, dès qu’il se mit en contradiction avec le progrès et l’expérience.

Mais que l’État, dont la force seule fait la science, qui n’a pour doctrine, avec les formules de ses huissiers, que la théorie du peloton et du bataillon ; que l’État, dis-je, traitant éternellement la nation en mi-