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semblable tyrannie serait intolérable : à défaut de l’insurrection, le martyre se chargerait de lui répondre. L’Église, instituée d’en-haut et inspirée, affirme bien, quant à elle, son droit de gouverner les âmes ; mais, chose remarquable, et qui de sa part est déjà un commencement de libéralisme, elle refuse ce droit à l’État. Ne touchez pas à l’encensoir, crie-t-elle aux princes. Vous êtes les évêques du dehors ; nous sommes les évêques du dedans. Devant vous la foi est libre ; la religion ne relève pas de votre autorité.

Sur ce point l’opinion, du moins en France, est unanime. L’État veut bien encore payer le culte, et l’Église accepter la subvention ; quant au fond du dogme et aux cérémonies, l’État ne s’en mêle aucunement. Croyez ou ne croyez pas, adorez ou n’adorez rien, c’est ad libitum. Le Gouvernement s’est décidé à ne plus intervenir dans les affaires de conscience.

Or, de deux choses l’une : ou le Gouvernement, en faisant ce sacrifice d’initiative, est tombé dans une erreur grave ; ou bien il a voulu faire un pas en arrière, et nous donner un premier gage de sa retraite. Pourquoi, en effet, si le Gouvernement ne se croit pas le droit de nous imposer la religion, prétendrait-il davantage nous imposer la loi ? Pourquoi, non content de cette autorité de législation, exercerait-il encore une autorité de justice ? Pourquoi une autorité de police ? Pourquoi, enfin, une autorité administrative ?…

Quoi ! le Gouvernement nous abandonne la direction de nos âmes, la partie la plus précieuse de notre être, du gouvernement de laquelle dépend entièrement, avec notre bonheur dans l’autre vie, l’ordre en celle-ci ; et dès qu’il s’agit de nos intérêts matériels, affaires de commerce, rapports de bon voisinage, les choses les plus viles, le Pouvoir se montre, il inter-