Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pairs, qui sont ses juges naturels. Dérision ! Est-ce que cet homme, qui n’a pas été appelé à la discussion de la loi, qui ne l’a pas votée, qui ne l’a pas même lue, qui ne la comprendrait point s’il la pouvait lire, qui n’a pas seulement été consulté sur le choix du législateur, est-ce qu’il a des juges naturels ? Quoi ! des capitalistes, des propriétaires, des gens heureux, qui se sont mis d’accord avec le gouvernement, qui jouissent de sa protection et de sa faveur, ce sont les juges naturels du prolétaire ! Ce sont là les hommes probes et libres qui, sur leur honneur et leur conscience, quelle garantie pour un accusé ! devant Dieu, qu’il n’a jamais entendu ; devant les hommes, au nombre desquels il ne compte pas, le déclareront coupable ; et s’il proteste de la mauvaise condition que lui a faite la société, s’il rappelle les misères de sa vie et toutes les amertumes de son existence, lui opposeront le consentement tacite et la conscience du genre humain !

Non, non, magistrats, vous ne soutiendrez pas davantage ce rôle de violence et d’hypocrisie. C’est bien assez que nul ne révoque en doute votre bonne foi, et qu’en considération de cette bonne foi l’avenir vous absolve, mais vous n’irez pas plus loin. Vous êtes sans titre pour juger ; et cette absence de titre, cette nullité de votre investiture, elle vous a été implicitement signifiée le jour où fut proclamé, à la face du monde, dans une fédération de toute la France, le principe de la souveraineté du Peuple, qui n’est autre que celui de la souveraineté individuelle.

Il n’y a, souvenez-vous-en, qu’une seule manière de faire justice : c’est que l’inculpé, ou simplement l’assigné, la fasse lui-même. Or, il la fera, lorsque chaque citoyen aura paru au pacte social ; lorsque, dans cette convention solennelle, les droits, les obli-