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loi était toujours pour les révolutionnaires, toujours contre les conservateurs. Jamais ne s’était vu pareil guignon. Ce mot d’un ancien ministre de la monarchie, la légalité nous tue, redevenait vrai sous le gouvernement républicain. Il fallait en finir avec la légalité, ou reculer devant la révolution !

Les lois de répression furent accordées, puis, à diverses reprises, rendues plus rigoureuses. À l’heure où j’écris, le droit de réunion est aboli, la presse révolutionnaire n’existe plus. Quel fruit le gouvernement a-t-il retiré de cette médication antiphlogistique ?

D’abord la liberté de la presse fut rendue solidaire du droit au travail. La révolution grossit ses rangs de tous les vieux amis des libertés publiques, qui se refusaient à croire que le bâillonnement de la presse fût un remède efficace à la contagion des esprits. Puis, la propagande des journaux suspendue, la propagande orale commença : c’est-à-dire qu’aux violences de la réaction furent opposés les grands moyens révolutionnaires. En deux ans, la Révolution a fait plus de ravage par cette communication intime de tout un peuple qu’elle n’en eût obtenu par un demi-siècle de dissertations quotidiennes. Tandis que la réaction se venge sur la lettre moulée, la révolution triomphe par la parole : le malade, qu’on avait cru guérir de la fièvre, est agité de transports !

Ces faits sont-ils vrais ? n’en sommes-nous pas tous les jours témoins ? La réaction, en attaquant successivement toutes les libertés, n’a-t-elle pas affirmé autant de fois la Révolution ? Et ce roman que j’ai l’air d’écrire, dont l’absurdité laisse loin derrière elle les contes de Perraut, n’est-il pas de l’histoire contemporaine ? La Révolution n’a tant prospéré que depuis que les hommes d’État les plus éminents se sont conjurés