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même d’acquitter et de faire grâce, mais de juger ? Que la société se défende, lorsqu’elle est attaquée, c’est dans son droit.

Quelle se venge, au risque des représailles, cela peut être dans son intérêt.

Mais qu’elle juge, et qu’après avoir jugé elle punisse : voilà ce que je lui dénie, ce que je dénie à toute autorité, quelle qu’elle soit.

L’homme seul a le droit de se juger, et s’il se sent coupable, s’il croit que l’expiation lui est bonne, de réclamer pour soi un châtiment. La justice est un acte de la conscience, essentiellement volontaire : or la conscience ne peut être jugée, condamnée ou absoute que par elle-même : le reste est de la guerre, régime d’autorité et de barbarie, abus de la force.

Je vis en compagnie de malheureux, c’est le nom qu’ils se donnent, que la justice fait traîner devant elle pour cause de vol, faux, banqueroute, attentat à la pudeur, infanticide, assassinat.

La plupart, d’après ce que j’en puis apprendre, sont aux trois quarts convaincus, bien qu’ils n’avouent pas, rei sed non confessi ; et je ne pense pas les calomnier en déclarant qu’en général ils ne me paraissent nullement être des citoyens sans reproche.

Je comprends que ces hommes, en guerre avec leurs semblables, soient sommés, contraints de réparer le dommage qu’ils causent, de supporter les frais qu’ils occasionnent, et jusqu’à certain point de payer encore amende pour le scandale et l’insécurité dont, avec plus ou moins de préméditation, ils sont un sujet. Je comprends, dis-je, cette application du droit de la guerre entre ennemis. La guerre peut avoir aussi, ne disons pas sa justice, ce serait profaner ce saint nom, mais sa balance.