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rancune ; je ne fus jamais libertin, et je ne hais personne. C’est une simple conclusion que j’exprime ; je dirai même, puisque le sujet m’y autorise, une prédiction. Tout conspire contre le prêtre, jusqu’au pendule de M. Foucaut. À moins que la réaction ne parvienne à restaurer la Société de fond en comble, dans son corps, son âme, ses idées, ses intérêts, ses tendances, le christianisme n’a pas vingt-cinq ans à vivre. Il ne se passera pas un demi-siècle peut-être, avant que le prêtre ne soit poursuivi, pour l’exercice de son ministère, comme escroc.

M. Odilon Barrot s’est défendu d’avoir dit qu’en France la loi est athée : il a donné de sa pensée une autre édition. M. Odilon Barrot a eu tort de se rétracter, l’athéisme légal est le premier article de notre droit public. Dès lors que l’État ne fait point acception d’un dogme, il n’a aucune foi, il nie Dieu et la religion. C’est une contradiction en lui, je le sais bien : mais enfin cette contradiction est réelle, et ce n’est pas le moindre triomphe du génie révolutionnaire. La religion n’existe point à l’état de sentiment vague et indéfini, de piété quelconque : elle est positive, dogmatique, déterminée, ou elle n’est rien. Et c’est pour cela que J.-J. Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Jacobi, etc., quoi qu’ils en disent, sont aussi athées que Hégel, Kant et Spinosa. N’est-ce donc pas de l’athéisme, ou pour mieux dire de l’anti-théisme, que cette indifférence qui nous fait payer et protéger également le juif, le chrétien, le mahométan, le grec, le papiste, et le réformé ? N’est-ce pas de l’athéisme et du plus raffiné, que cet esprit philosophique qui considère les faits en eux-mêmes, dans leur évolution, leur série, leurs rapports, sans se préoccuper jamais d’un principe premier ou d’une fin des fins ? N’est-ce pas, s’il