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égale, sont toujours égales : c’est un axiome de mathématique.

Mais l’agio, c’est l’arbitraire, c’est le hasard ; et il est contre la nature du hasard de produire l’égalité, l’ordre. Il en résulte que la réciprocité de l’agio n’est autre chose que la réciprocité de l’escroquerie : et que cette prétendue loi des économistes, appliquée en grand, est le principe le plus actif de spoliation et de misère.

Voici donc ce que propose la Révolution.

Puisqu’il y a convention tacite et universelle, entre tous les producteurs et échangistes, de prendre l’un sur l’autre un agio pour leurs produits et services, d’opérer à tâtons dans leurs marchés, de jouer au plus fin, de se surprendre, en un mot, par toutes les ruses du commerce : pourquoi n’y aurait-il pas aussi bien convention tacite et universelle de renoncer réciproquement à l’agio, c’est-à-dire de vendre et faire payer tout au prix le plus juste, qui est le prix moyen de revient ?

Une pareille convention n’a rien d’illogique ; elle seule peut assurer le bien-être et la sécurité des populations. Elle peut donc, elle doit tôt ou tard se réaliser, et pour mon compte je ne doute point qu’avec un peu de persévérance de la part du peuple, elle ne se réalise.

Mais il est dur de remonter le torrent des âges, et de faire rebrousser chemin au préjugé ; il s’écoulera du temps, des générations peut-être, avant que la conscience publique se soit élevée à cette hauteur. En attendant cette merveilleuse conversion il n’est qu’un moyen, c’est d’obtenir, par des conventions particulières, formelles et expresses, ce qui plus tard résultera sans autre forme de procès, du consentement tacite et universel.