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Si toutes les choses qui font la matière des contrats se vendaient, se louaient ou s’échangeaient d’après cette règle, le monde entier serait à l’aise : la paix serait inviolable sur la terre ; il n’y aurait jamais eu ni soldats ni esclaves, ni conquérants ni nobles.

Mais, pour le malheur de l’humanité, les choses ne se passent point ainsi dans le commerce. Le prix des choses n’est point adéquat à leur valeur ; il est plus ou moins considérable, suivant une influence que la justice réprouve, mais que l’anarchie économique excuse, l’agiotage.

L’agiotage est l’arbitraire commercial. Comme dans le régime actuel le producteur n’a aucune garantie d’échange, ni le commerçant aucune certitude de revendre, chacun s’efforce de faire passer sa marchandise au plus haut prix possible, afin d’obtenir, par l’exagération du bénéfice, la sécurité que ne donnent pas suffisamment le travail et l’échange. Le bénéfice obtenu de la sorte, en sus des frais de production et du salaire du commerçant, se nomme agio. L’agio, le vol, est donc la compensation de l’insécurité.

Tout le monde se livrant à l’agiotage, il y a réciprocité de mensonge dans toutes les relations, tromperie universelle, et d’un commun accord, sur la valeur des choses. Cela, sans doute, ne se dit point en toutes lettres dans les contrats ; les tribunaux seraient capables de s’en formaliser ! Mais cela est parfaitement, dans l’esprit de la justice et dans l’opinion des parties, sous-entendu.

Si l’agio était égal, comme il est réciproque, la sincérité des conventions, l’équilibre du commerce, partant le bien-être des sociétés, n’en souffriraient pas. Deux quantités égales, augmentées d’une quantité