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peuple a perdu 80 milliards, car il a perdu le droit d’en disposer. En effet, d’après la déclaration de 93, la propriété, c’est la libre disposition. Or, la propriété ou la libre disposition dans l’homme est précisément ce que nous appelons valeur dans la chose, en sorte que celui qui perd l’une des deux perd tout : ceci est de la pratique la plus usuelle. Suivez bien cette filière.

D’après la Constitution de 1848, qui a confirmé à son tour le droit de propriété en le faisant découler du travail, celui qui défriche un champ, qui l’enclôt, le laboure, l’engraisse, qui y enfouit sa sueur, son sang, son âme, celui-là n’a pas seulement droit à la récolte, qui déjà lui est une récompense ; il a gagné en outre un champ, une valeur, qui lui constitue un bénéfice supplémentaire, qu’il porte à son Avoir, et qu’il appelle sa propriété. Cette propriété, il peut l’échanger, la vendre, en tirer, suivant l’importance, un prix qui le fera vivre, sans travail, plusieurs années.

À l’instar de cette pratique, consacrée par toutes nos constitutions, nous avons à notre tour posé cette règle, en nous autorisant de la Banque foncière : « Tout payement de loyer ou fermage acquiert au locataire une part proportionnelle dans la propriété. »

Supposons donc que le fermier, profitant du bénéfice de la révolution, ait acquis, par vingt ans de redevance, une propriété estimée 20,000 fr., croyez-vous que ce soit pour lui la même chose de pouvoir dire, dans le système communiste et gouvernemental :

La Révolution allonge mon bail, et réduit mon fermage, c’est vrai. Mais elle ne me permet pas de rien acquérir ; je ne posséderai jamais cette terre ; nu j’en suis sorti, nu j’y rentrerai. Et comme mon métier est de piocher le sol, que je ne sais pas faire autre chose,