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travailler, il embrassa avec ardeur la cause républicaine. À défaut d’un intérêt plus positif, le peuple acceptait un assignat sur la République. C’était assez pour la lui faire prendre sous sa protection. Qui aurait cru que dès le lendemain ceux qui avaient souscrit la cédule ne songeraient plus qu’à la brûler ? Du travail, et par le travail du pain, telle fut, en 1848, la pétition des classes ouvrières : telle fut la base inébranlable donnée par elles à la République, telle est la Révolution.

Autre chose fut donc, le 25 février 1848, la proclamation de la République, acte d’une minorité plus ou moins intelligente, plus ou moins usurpatrice ; et autre chose la question révolutionnaire du travail, qui fit de cette République un intérêt, et lui donna seule, aux yeux des masses, une valeur réelle. Non, la République de février n’est pas la révolution : elle est le gage de la révolution. Il n’a pas tenu à ceux qui ont gouverné cette République, depuis le premier jusqu’au dernier, que le gage ne pérît : c’est au peuple à voir, dans ses prochains comices, à quelles conditions désormais il leur en remettra le dépôt.

D’abord, cette demande de travail ne parut point aux nouveaux chefs, dont aucun jusqu’alors ne s’était occupé d’économie politique, avoir rien d’exorbitant. Elle était pour eux, au contraire, un sujet de félicitations mutuelles. Quel peuple que celui qui, le jour de son triomphe, ne demande ni pain ni spectacles, comme autrefois la canaille romaine : panem et circenses, mais seulement du travail ! Quelle garantie de moralité, de discipline, de docilité, dans les classes laborieuses ! Quel gage de sécurité pour un gouvernement ! Ce fut de la meilleure foi du monde et dans les plus louables sentiments, il faut l’avouer, que le Gouvernement provi-