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dres, le germe vivant et vivifiant, l’Idée populaire ?

Évidemment un pareil problème est inextricable, insoluble. Aussi M. Rittinghausen, après avoir mis en avant les plus belles maximes sur le droit inaliénable du peuple de légiférer sa propre loi, a-t-il fini, comme tous les opérateurs politiques, par escamoter la difficulté. Ce n’est plus le peuple qui posera les questions, ce sera le gouvernement. Aux questions posées exclusivement par le pouvoir, le peuple n’aura qu’à répondre Oui ou Non, comme l’enfant au catéchisme. On ne lui laissera pas même la faculté de faire des amendements.

Il fallait bien qu’il en fût ainsi, dans ce système de législation discordante, si l’on voulait tirer de la multitude quelque chose. M. Rittinghausen le reconnaît de bonne grâce. Il avoue que si le peuple, convoqué dans ses comices, avait la faculté d’amender les questions, ou, ce qui est plus grave encore, de les poser, la législation directe ne serait qu’une utopie. Il faut, pour rendre cette législation praticable, que le souverain n’ait à statuer jamais que sur une alternative, laquelle devra embrasser par conséquent, dans l’un de ses termes, toute la vérité, rien que la vérité ; dans l’autre, toute l’erreur, rien que l’erreur. Si l’un ou l’autre des deux termes contenait plus ou moins que la vérité, plus ou moins que l’erreur, le souverain, trompé par la question de ses ministres, répondrait infailliblement par une sottise.

Or, il est impossible, sur des questions universelles, embrassant les intérêts de tout un peuple, d’arriver jamais à un dilemme rigoureux ; ce qui signifie que de quelque manière que la question soit posée au peuple, il est à peu près inévitable qu’il se trompe.