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Et vous allez livrer mon travail, mon amour, par procuration, sans mon consentement ! Qui me dit que vos procureurs n’useront pas de leur privilége pour se faire du Pouvoir un instrument d’exploitation ? Qui me garantit que leur petit nombre ne les livrera pas, pieds, mains et consciences liés, à la corruption ? Et s’ils ne veulent se laisser corrompre, s’ils ne parviennent à faire entendre raison à l’autorité, qui m’assure que l’autorité voudra se soumettre ?

De 1815 à 1830, le pays légal fut en guerre continuelle avec l’autorité : la lutte finit par une révolution. De 1830 à 1848, la classe électorale, dûment renforcée après la malheureuse expérience de la Restauration, fut en butte aux séductions du Pouvoir ; la majorité était déjà corrompue lorsque le 24 février éclata : la prévarication finit encore par une révolution. L’épreuve est faite : on n’y reviendra pas. Or çà, partisans du régime représentatif, vous nous rendriez un vrai service, si vous pouviez nous préserver des mariages forcés, des corruptions ministérielles, et des insurrections populaires : A spiritu fornicationis, ab incursu et dæmonio meridiano.


4. Le suffrage universel.


La solution est trouvée, s’écrient les plus intrépides. Que tous les citoyens prennent part au vote : il n’y aura puissance qui leur résiste, ni séduction qui les corrompe. C’est ce que pensèrent, le lendemain de Février, les fondateurs de la République.

Quelques-uns ajoutent : Que le mandat soit impératif, le représentant perpétuellement révocable ; et l’intégrité de la loi sera garantie, la fidélité du législateur assurée.