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Nous allons passer en revue, les uns après les autres, les principaux termes de cette grande évolution. L’Humanité demande à ses maîtres : Pourquoi prétendez-vous régner sur moi et me gouverner ?

Ils répondent : Parce que la société ne peut se passer d’ordre ; parce qu’il faut dans une société des hommes qui obéissent et qui travaillent, pendant que les autres commandent et dirigent ; parce que les facultés individuelles étant inégales, les intérêts opposés, les passions antagonistes, le bien particulier de chacun opposé au bien de tous, il faut une autorité qui assigne la limite des droits et des devoirs, un arbitre qui tranche les conflits, une force publique qui fasse exécuter les jugements du souverain. Or, le pouvoir, l’État, est précisément cette autorité discrétionnaire, cet arbitre qui rend à chacun ce qui lui appartient, cette force qui assure et fait respecter la paix. Le gouvernement, en deux mots, est le principe et la garantie de l’ordre social : c’est ce que déclarent à la fois le sens commun et la nature.

Cette exposition se répète depuis l’origine des sociétés. Elle est la même à toutes les époques, dans la bouche de tous les pouvoirs : vous la retrouvez identique, invariable, dans les livres des économistes malthusiens, dans les journaux de la réaction, et dans les professions de foi des républicains. Il n’y a de différence, entre eux tous, que par la mesure des concessions qu’ils prétendent faire à la liberté sur le principe : concessions illusoires, qui ajoutent aux formes de gouvernement dites tempérées, constitutionnelles, démocratiques, etc., un assaisonnement d’hypocrisie dont la saveur ne les rend que plus méprisables.

Ainsi le Gouvernement, dans la simplicité de sa nature, se présente comme la condition absolue, néces-