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précédente étude, le contractant aliène une partie de sa liberté et se soumet à une solidarité gênante, souvent périlleuse, dans l’espoir plus ou moins fondé d’un bénéfice. Le contrat social est de l’essence du contrat commutatif : non-seulement il laisse le contractant libre, il ajoute à sa liberté ; non-seulement il lui laisse l’intégralité de ses biens, il ajoute à sa propriété ; il ne prescrit rien à son travail, il ne porte que sur ses échanges : toutes choses qui ne se rencontrent point dans le contrat de société, qui même y répugnent.

Tel doit être, d’après les définitions du droit et la pratique universelle, le contrat social. Faut-il dire maintenant que de cette multitude de rapports que le pacte social est appelé à définir et à régler, Rousseau n’a vu que les rapports politiques, c’est-à-dire qu’il a supprimé les points fondamentaux du contrat, pour ne s’occuper que des secondaires ? Faut-il dire que de ces conditions essentielles, indispensables, la liberté absolue du contractant, son intervention directe, personnelle, sa signature donnée en connaissance de cause, l’augmentation de liberté et de bien-être qu’il doit y trouver, Rousseau n’en a compris et respecté aucune ?

Pour lui le contrat social n’est ni un acte commutatif, ni même un acte de société : Rousseau se garde bien d’entrer dans de telles considérations. C’est un acte constitutif d’arbitres, choisis par les citoyens, en dehors de toute convention préalable, pour tous les cas de contestation, querelle, fraude ou violence qui peuvent se présenter dans les rapports qu’il leur plaira de former ultérieurement entre eux, lesdits arbitres revêtus d’une force suffisante pour donner exécution à leurs jugements et se faire payer leurs vacations. De contrat, positif, réel, sur quelque intérêt que ce