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sous le regard de mes lecteurs, démontré l’illégitimité et l’impuissance du gouvernement comme principe d’ordre, je ferai surgir de cette négation l’idée mère, positive, qui doit conduire la civilisation à sa nouvelle forme.

Pour mieux expliquer encore ma position dans cette critique, je ferai une autre comparaison.

Il en est des idées comme des machines. Nul ne connaît l’inventeur des premiers outils, la houe, le râteau, la hache, le chariot, la charrue. On les trouve uniformément, dès la plus haute antiquité, chez toutes les nations du globe. Mais cette spontanéité ne se rencontre plus dans les instruments perfectionnés, la locomotive, le daguerréotype, l’art de diriger les aérostats, le télégraphe électrique. Le doigt de Dieu, si j’ose ainsi dire, n’est plus là : on connaît le nom des inventeurs, le jour de la première expérience ; il y a fallu le secours de la science joint à une longue pratique de l’industrie.

C’est ainsi que naissent et se développent les idées qui servent à la direction du genre humain. Les premières lui sont fournies par une intuition spontanée, immédiate, dont la priorité ne peut être revendiquée par personne. Mais vient le jour où ces données du sens commun ne suffisent plus à la vie collective ; alors le raisonnement, qui seul constate d’une manière authentique cette insuffisance, peut seul également y suppléer. Toutes les races ont produit et organisé en elles-mêmes, sans le secours d’initiateurs, les idées d’autorité, de propriété, de gouvernement, de justice, de culte. À présent que ces idées faiblissent, qu’une analyse méthodique, une enquête officielle, si j’ose ainsi dire, en a constaté, devant la société et devant la raison, l’insuffisance, il s’agit de savoir comment, par la