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pour être obtenu, n’avait, comme je le montrais tout à l’heure, nul besoin d’association.

Assurément, les membres de ces sociétés sont remplis les uns à l’égard des autres et vis-à-vis du public, des sentiments les plus fraternels. Mais qu’ils disent si cette fraternité, loin d’être la cause de leur succès, n’a pas sa source, au contraire, dans la justice sévère qui règne dans leurs rapports mutuels ; qu’ils disent ce qu’ils deviendraient s’ils ne trouvaient pas ailleurs que dans la charité qui les anime, et qui n’est autre que le ciment de l’édifice dont le travail et les forces qui le multiplient sont les pierres, la garantie de leur entreprise ?

Quant aux sociétés qui n’ont pour se soutenir que la vertu problématique de l’association, et dont l’industrie peut s’exercer privativement, sans réunion d’ouvriers, elles ont une peine infinie à marcher, et ce n’est que par des efforts de dévouement, des sacrifices continuels, une résignation sans bornes, qu’elles parviennent à conjurer le vide de leur constitution.

On cite, comme exemple d’un rapide succès, les associations pour la boucherie, dont la vogue s’étend aujourd’hui partout. Cet exemple, plus qu’aucun autre, montre jusqu’où va l’inattention du public et l’incorrection des idées.

Les boucheries soi-disant sociétaires n’ont de sociétaire que l’enseigne ; ce sont des concurrences suscitées à frais communs par des citoyens de tout état, contre le monopole des bouchers. C’est l’application telle quelle d’un nouveau principe, pour ne pas dire d’une nouvelle force économique, la Réciprocité[1], qui

  1. La réciprocité n’est pas la même chose que l’échange ; cependant elle tend à devenir de plus en plus la loi de l’échange et à se confondre avec lui. L’analyse scientifique de cette loi a