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tive, la concurrence, l’échange, le crédit, la propriété même et la liberté ? Qui ne voit qu’il en est des utopistes anciens et modernes comme des théologiens de toutes les religions ? Tandis que ceux-ci, dans leurs mystères, ne faisaient autre chose que raconter les lois de la philosophie et du progrès humanitaire, ceux-là, dans leurs thèses philanthropiques, rêvent sans le savoir les grandes lois de l’économie sociale. Or, ces lois, ces puissances de la production qui doivent sauver l’homme de la pauvreté et du vice, je viens de les citer pour la plupart. Voilà les vraies forces économiques, principes immatériels de toute richesse, qui, sans enchaîner l’homme à l’homme, laissent au producteur la plus entière liberté, allégent le travail, le passionnent, doublent son produit, créent entre les hommes une solidarité qui n’a rien de personnel, et les unissent par des liens plus forts que toutes les combinaisons sympathiques et tous les contrats.

Les merveilles annoncées par les deux révélateurs sont connues depuis des siècles. Cette grâce efficace dont l’organisateur de la série avait eu la vision ; ce don du divin amour que le disciple de Saint-Simon promet à ses ternaires, nous pouvons en observer l’influence, toute corrompue qu’elle soit, tout anarchique que les révolutionnaires de 89 et 93 nous l’aient laissée, nous pouvons en suivre l’oscillation à la Bourse et dans nos marchés. Que les utopistes se réveillent donc une fois de leurs sentimentales extases, qu’ils daignent regarder ce qui se passe autour d’eux ; qu’ils lisent, écoutent, expérimentent, ils verront que ce qu’ils attribuent avec tant d’enthousiasme, l’un à la série, l’autre à la trinité, ceux-là au dévouement, n’est autre chose que le produit des forces économiques analysées par Adam Smith et ses successeurs.