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que dans des conditions spéciales, dépendantes de ses moyens. Il est facile de se rendre compte aujourd’hui, par les faits, de cette seconde proposition, et par là de déterminer le rôle de l’association au dix-neuvième siècle.

Le caractère fondamental de l’association, avons-nous dit, est la solidarité.

Or, quelle raison peut conduire des ouvriers à se rendre solidaires les uns des autres, à aliéner leur indépendance, à se placer sous la loi absolue d’un contrat, et qui pis est d’un gérant ?

Cette raison peut être très-diverse ; mais toujours elle est objective, extérieure à la société.

On s’associe, tantôt pour conserver une clientèle, formée d’abord par un entrepreneur unique, mais que les héritiers risqueraient de perdre en se séparant ; — tantôt pour exploiter en commun une industrie, un brevet, un privilége, etc., qu’il n’est pas possible de faire valoir autrement, ou qui rendrait moins à chacun s’il tombait dans la concurrence ; tantôt par l’impossibilité d’obtenir autrement le capital nécessaire ; tantôt, enfin, pour niveler et répartir des chances de perte par naufrage, incendie, services répugnants et pénibles, etc.

Allez au fond, et vous trouverez que toute société qui prospère le doit à une cause objective, qui lui est étrangère et ne tient nullement à son essence : sans cela, je le répète, la société, quelque savamment organisée qu’elle fût, ne vivrait pas.

Ainsi, dans le premier des cas que nous venons de signaler, la société a pour but d’exploiter une vieille réputation, qui fait seule le plus clair de ses bénéfices ; dans le second, elle est fondée sur un monopole, c’est-à-dire sur ce qu’il y a de plus exclusif et anti-