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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

Il n’est pas possible de refuser une originalité à Raphaël, à Michel-Ange, à Léonard de Vinci, au Titien, au Corrége. Aucune époque n’a produit un plus grand nombre d’individualités puissantes, ni élevé plus haut la science, le faire du métier. Quelle différence avec les artistes obscurs, la plupart anonymes, du moyen âge ! Pourtant il manque à la Renaissance le cachet des grandes époques, la puissance de collectivité. Dans la période antérieure, il n’y a réellement qu’une école en Europe ; en Italie, au seizième siècle, autant d’écoles que de cités.

Quoi qu’on pense de l’art ascétique, d’un art hostile au culte de la forme, d’une antithèse de l’art, si j’ose ainsi dire, cet art n’en est pas moins positif et spécifique ; il a sa raison, son caractère, son idée, sa fin ; il a produit ses monuments, tout autant marqués au coin du génie que ceux des Grecs. Avalé et pleurant dans -ses figures, boiteux dans son architecture (regardez ces arcs-boutants, ces contre-forts, ces piles gigantesques servant comme de béquilles aux voûtes chancelantes), il s’est affirmé avec autant de puissance et plus de sublimité que ses devanciers. La Renaissance : comme génialité, originalité, idée artistique, reste inférieure : c’est que, dans son essor, dans l'immense majorité de ses productions, elle a eu pour but d’allier ensemble Les deux choses les plus incompatibles, la spiritualité du sentiment chrétien et l’idéalité des