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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

descendaient. Ces dieux immortels, affranchis de la misère et de la douleur, sont d’une beauté parfaite : on les appelle les Bienheureux. Mais personne ne les avait vus ; comment se représenter leur visage ? Où trouver des modèles pour ces divines effigies ? Ici nous allons voir l’art modifier son idéal, s’élever d’un degré, sans être pour cela plus vrai qu’on ne l’avait vu, depuis quelques milliers d’années, en Egypte.

C’est toujours sur la figure humaine que pivote l’art tout entier. En Egypte, où le type semble avoir été, dans ses individualités, à peu près uniforme, ainsi qu’on l’observe chez les nègres, la figure était censée belle dès que le type était atteint. Pour les Grecs, race plus mêlée apparemment, cette généralité de physionomie était insuffisante. Les dieux ne se ressemblaient pas ; tous cependant devaient être d’une beauté parfaite. Comment cela pouvait-il être, si le type de la figure humaine, de celle des dieux par conséquent, est un, absolu, invariable ? Signe certain de la supériorité de cette race, aussi bien au moral qu’au physique,’qui conçoit la diversité dans la perfection. Jupiter ne sera pas le même que Neptune, son frère, ni qu’Hercule ou Apollon, ses enfants. De même, Minerve n’aura rien de commun avec Vénus, ni celle-ci avec Diane ou Junon. Une beauté multiple, toujours différente d’elle-même, et cela sans modèle : tel est le problème posé ft l’artiste grec.